Dirigeante d’un cabinet conseil, entretien avec Anne Erpeldinger
Anne Erpeldinger est la dirigeante d’un cabinet conseil Niçois dédié à la Qualité. De fait, elle a créé son activité en 2009 dans les Alpes-Maritimes. Puis elle a immatriculée son entreprise individuelle à Cannes en 2011.
Antérieurement, elle est issue d’un parcours de 24 années dans le tourisme et l’hôtellerie, presque exclusivement à des postes de responsable et de direction. Dans un cursus fortement marqué par différents métiers de l’hôtellerie-restauration, elle a réalisé en partie sa carrière à l’international. Enfin, elle s’établit sur la Côte-d’Azur en 2000, depuis laquelle elle intervient à présent sur toute la France et à l’étranger ponctuellement.
Anne, qu’est-ce qui vous a amenée à diriger votre propre entreprise ?
D’abord, c’est plutôt concours de circonstances m’a poussée à prendre cette bonne décision. Celle de devenir mon propre patron, plutôt que de gérer les entreprises des autres.
Premièrement, j’avais d’une part la volonté de ne plus déménager aussi fréquemment et commençais d’autre part à me lasser d’encadrer des équipes dans un environnement dur dans lequel la bienveillance était peu valorisée. En dépit de toute logique, certains dirigeants pensent plus à leur intérêt qu’à celui de l’entreprise. Aucun des deux ne devrait se faire sans préserver celui de l’autre, car l’entreprise est un écosystème qui intègre au moins d’autres parties essentielles. Donc, on ne devrait pas non plus exclure le personnel de cette profitabilité (et il ne s’agit pas que d’argent), car sans lui l’entreprise n’existe pas. Aussi, ce fonctionnement finissait par manquer de sens et d’humanité, alors que mon souhait était d’être toujours proche du client et des équipes. D’autant plus qu’il est possible de construire une relation professionnelle structurante et épanouissante pour tous.
Dirigeante, consultante, quelle est votre activité principale ?
A ce jour j’accompagne, forme et guide des entreprises et des organismes publics qui souhaitent obtenir une certification, accréditation ou reconnaissance officielle de leurs compétences et faire valoir l’efficacité des méthodes qu’ils appliquent. J’interviens souvent sur plusieurs mois, afin de les préparer et les accompagner jusqu’à leur autonomie et l’audit initial. Ensuite, je n’interviens plus qu’au cas par cas, lorsqu’ils en émettent le besoin notamment en audit interne et pour des formations.
Je suis par ailleurs auditrice tierce partie pour plusieurs organismes nationaux, qui accréditent et certifient.
Anne, pourquoi cette spécialisation à la qualité ?
Je pense qu’on ne réussit que lorsque l’on agit qualitativement, le reste me semble voué à l’échec ou trop fragile pour s’inscrire dans la durée. Quel que soit le poste occupé ou la tâche accomplie, développer une action qui permet à toutes les parties intéressées de gagner, est un gage de pérennité autant qu’une satisfaction partagée. C’est ce qui m’a motivée et depuis toujours !
Parallèlement, une organisation efficace dans une structure qui maîtrise et mobilise ses ressources de façon transparente et égalitaire, donne les mêmes opportunités à tous pour réussir. Cette entreprise permet à ses équipes de fournir de façon personnalisée ou standardisée, une qualité fixée à un seuil déterminé qui peut être portée à un haut niveau avec les moyens adéquats. Qu’il reste bien clair que l’entreprise se gère et que la qualité ne prend pas en charge la gestion ou la comptabilité, sauf si l’entreprise souhaite l’étendre jusque-là.
C’est vrai que c’est un peu abstrait, mais cela se matérialise aisément et c’est sur ce type de structuration que l’on peut développer la qualité d’un environnement professionnel autant que celle d’un service ou d’un produit fini. Au final, le client est gagnant autant que l’investisseur, le patron et leurs salariés. Pour autant, il n’y a pas de contradiction entre la personnalisation et la standardisation dans la Qualité. En l’occurrence il s’agit de personnaliser les méthodes d’une entreprise, pour normaliser en interne la qualité de ce qui est produit. C’est donc le standard défini par l’entreprise qui devient la norme, et rien n’empêche d’être exigeant ! Au contraire, cela rendra le fonctionnement général et la qualité produite plus efficients.
Comment devient-on auditeur ?
Il est évident que l’on peut difficilement devenir auditeur, sans avoir la compréhension de qui et de ce que l’on vient auditer. C’est à dire qu’auditer une entreprise ou une organisation, implique que l’on connaisse la structure même de ce type d’organisme, autant que ses contraintes et possibilités, ses objectifs, son fonctionnement, son management et comment elle produit ce qu’elle vend ou procure à ses consommateurs. Donc une bonne connaissance des rouages et des responsabilités de l’entreprise est un préalable.
Ensuite, tout auditeur doit faire preuve d’une grande écoute, de disponibilité et de capacité à interagir de façon positive avec l’équipe auditée. Par exemple, il doit savoir mettre en évidence ce qui fonctionne et ce qui peut ou doit être amélioré. Le tout, en priorisant ou hiérarchisant de façon structurante et personnalisée ses conclusions. Egalement, il doit être transparent et clair dans ses propos, pédagogue et individualiser son approche aussi souvent que nécessaire.
Enfin, il doit maîtriser les normes et documents associés sur lesquels il appuiera ses investigations, constats, analyses et préconisations. En outre il ou elle doit disposer de qualités rédactionnelles et de communication avérées. De plus, certaines compétences techniques peuvent être attendues dès lors que l’adéquation à la réglementation est recherchée dans le cadre de certains audits.
Avez-vous des contacts avec l’enseignement ?
Tout à fait, j’interviens régulièrement depuis 2011 au sein d’une université du tourisme en Savoie, ainsi que dans une école d’ingénieurs locale ponctuellement et en Université à Nice. Je dirige à travers mon enseigne, un organisme de formation dans lequel peuvent intervenir des professionnels indépendants en complément des formations que j’anime et construits personnellement.
Cet ensemble est une part importante de mon activité. Elle permet de me tenir à jour sur les secteurs techniques et qualité, en lien avec les jeunes générations et en veille sur les méthodes de transmission et de partage des connaissances. C’est toujours très intéressant et cela me permet aussi de me renouveler !
Que diriez-vous aux jeunes générations qui arrivent sur le marché du travail ?
Notre pays est focalisé sur la noblesse d’un travail ou son absence d’éclat social, que d’erreurs sont commises à cause de ce postulat réducteur ! J’espère que les jeunes générations éviteront cet écueil et j’ai confiance dans leur capacité à inventer de nouvelles voies, à s’attacher à des valeurs plus essentielles, à innover au quotidien et renouveler les codes.
Pour s’insérer dans la vie professionnelle et y progresser, il me semble important d’avancer avec sagesse et réflexion, en commençant par réaliser quelques métiers manuels et peu côtés de sa profession puis en gravissant les échelons progressivement. Il faut bien sûr se former tout au long de sa vie professionnelle, c’est une approche indispensable. Et souvent, il faut se préparer à être mobile pour avancer, en tout cas cela a été mon cas. Je leur dirai aussi qu’il n’y a aucun « sous-métier » comme il n’y a pas de « sous-personne ». Le savoir repose sur l’apprentissage, les cours, la théorie mais aussi sur la pratique et l’expérience, c’est ce tout qui nous construit professionnellement.
Enfin je les engage à croire en eux, à chercher le positif dans ce qu’ils sont et ce qu’ils font, à bâtir sur leurs forces et leurs réussites. Je leur explique aussi pourquoi il ne faut pas se déprécier pour avancer sereinement et à accepter l’erreur comme une donnée incontournable, tout en la distinguant bien de la faute professionnelle. En conclusion, je les amène à réfléchir à l’impact de leur propre comportement sur celui des autres, afin qu’ils puissent agir en pleine conscience et de façon responsable.
Et pour ceux qui se destinent à des postes de direction ?
Pour les futurs managers, je les engagerai à faire preuve d’intelligence émotionnelle, chercher à comprendre au lieu de juger, être un exemple efficace plutôt qu’un dominateur transgressif comme on en voit trop souvent, détecter les bonnes solutions plutôt que s’imaginer les détenir, toujours fournir les moyens appropriés à ses collègues pour réussir et échanger régulièrement avec ses pairs et son équipe pour progresser sans s’isoler.
J’espère leur transmettre que le travail n’est pas un problème en soit, qu’on y trouve souvent d’excellents amis ou relations, que c’est une source de partage et de réalisation personnelle inestimable. Puis je tâche avec régularité de leur expliquer que l’on ne retire pas uniquement des avantages de son travail et qu’il faut savoir accepter certaines tâches professionnelles répétitives, plus contraignantes ou moins exaltantes, car c’est inhérent à toute action ou tout projet. Cela développe aussi des qualités comme la méthode, la patience, la rigueur et la concentration, rien de ce que nous faisons ne manque de sens lorsque l’on prend un peu de recul pour y réfléchir. Le recul vient avec l’expérience, c’est pourquoi je pense qu’il faut partager notre savoir.